Les 7 et 8 octobre derniers s’est tenu le workshop Unfree Labour dans le grand hangar du B9, sur le campus de l’École Supérieure des Arts Saint-Luc Liège. Retour sur ces deux journées.

 

Premier acte de conception d’une exposition itinérante sur le thème du  « travail non-libre »

 

Un projet d’exposition en co-design avec des responsables de musées : la DASA à Dortmund, La Fonderie à Bruxelles, le MUAR à Kayl (Luxembourg), les Territoires de la Mémoire à Liège, des étudiant·e·s et des enseignant·e·s de l’Université de Liège et de l’Université du Luxembourg (histoire et muséologie), des étudiant·e·s et des enseignant·e·s de l’École Supérieure des Arts Saint-Luc Lège (Architecture d’intérieur – scénographie et Communication visuelle et graphique – Design social et numérique).

 

L’étincelle…

C’était en janvier, autour d’un café à La Fonderie, le Musée de l’Industrie et du Travail, à Monlenbeek, après un séminaire sur les « muséologies insurgées ». Pascal Majerus, le conservateur, songeait aux sujets d’expositions qu’il aurait envie de traiter. Il évoque alors le thème du travail forcé. La muséologue Marie-Paule Jungblut l’écoutait et, saisissant la balle au bond, elle propose que des étudiant·e·s en muséologie puissent y participer. Belle intention… mais la Fonderie seule ne peut porter un projet aussi ambitieux. Qu’à cela ne tienne, nous trouverons des partenaires ! Quelques jours plus tard, Marie-Paule avait contacté la DASA à Dortmund, musée consacré à l’univers du travail, et l’équipe du futur Musée du Travail, le MUAR, à Kayl, dans le sud du Luxembourg. Tous partants pour concevoir une exposition en commun, qui serait montée successivement dans les trois pays. Titre provisoire : Unfree Labour.

 

… qui met le feu

Aux étudiant·e·s de muséologie, s’ajoutent des étudiant·e·s et des enseignant·e·s en histoire publique, en scénographie et en design social et numérique. L’équipe de choc est en ordre de marche, les premières réunions se déroulent de février à juillet. Objectif de l’exposition : inviter le (futur) visiteur à se questionner sur ce que représente pour lui le travail « non libre », aujourd’hui. On prévoit un premier moment de travail participatif début octobre à Liège. Marie Sion relève le défi avec le groupe de master 2, aussi connu sous le nom « collectif Chiclette », qui consacre les trois premières semaines de cours à la conception des ateliers de co-design. Les étudiant·e·s de master 1 préparent le volet création graphique. En amont du workshop, ils demandent un devoir à chaque participant·e. De gré ou de force, il leur faut envoyer une playlist de trois morceaux, une définition, un témoignage, trois images, le tout inspiré par le thème du travail non libre. Qu’est-ce qu’on nous mitonne ?

 

Se rencontrer, co-construire

Epargné de justesse par la vague d’annulations dues à l’épidémie, et malgré l’absence des conservateurs de la DASA interdits de séjour en zone rouge, le workshop Unfree Labour s’est déroulé en toute sérénité sanitaire au B9 (900 m2 pour laisser 36 personnes respirer sous leur masque), avec au menu de la sérigraphie, de la musique, deux chicons magiques, un gong et des gens contents, tellement contents de pouvoir être là. Mais on n’est pas là pour s’amuser, on est là pour bosser. Chacun passe sous le flash pour sa carte de pointage, puis on est commis d’office dans l’une des six équipes mixtes. Les objectifs sont ambitieux : définir les intentions et les axes thématiques de l’exposition. On se retrousse les manches.

 

   

À droite : Début du workshop – les participant·e·s sont photographié·e·s (avec et sans masque) pour compléter les carte de pointage et illustrer les carnets de bord. / À gauche : Dispositif MaKey-MaKey qui permet d’actionner le générateur de réponses aléatoires en appuyant sur des chicons.   © Marie Maréchal

 

Carnet de bord

Chaque équipe se voit confier un carnet de bord contenant les instructions. Introduire de l’aléatoire dans les ateliers permet de développer la créativité et de décomplexer, paraît-il. Ca tombe bien parce que la première heure n’est pas la plus simple… On va écouter l’oracle du chicon magique et on se retrouve avec de la matière à travailler, générée automatiquement par la base de données que les devoirs ont alimentée. On se décoince progressivement. D’abord faire connaissance et définir son rôle dans le groupe. Puis c’est parti. Les débats, vifs, passionnés, se déclenchent. Plusieurs interventions d’enseignants et de partenaires rythment les deux journées. On s’aperçoit que le thème du travail forcé rend bavard et surtout ne laisse pas indifférent. C’est plutôt bon signe pour une expo qui veut susciter la réflexion des visiteurs !

 

   

À droite : Dazibao reprenant la Déclaration universelle des droits de l’homme, à compléter, annoter, questionner. / À gauche : Un atelier de sérigraphie proposé par les étudiant·e·s de CVG ; chaque participant·e appose “Unfree Labour” sur une affiche sur laquelle ont été imprimés son picto et son slogan.  © Marie Maréchal

 

Sortir de sa zone de confort

Expression à la mode, qui commence à lasser… Mais dans ce cas, loin d’être galvaudée, elle prend tout son piquant, à des moments différents selon les participants. Sortir de sa zone de confort, ça veut dire quelque chose maintenant pour le muséologue à qui on demande un « picto » ou pour l’historien qui doit sérigraphier lui-même son affiche ! Certains moments semblent longs – discussions qui sentent la glu, d’autres trop courts – quelques minutes pour transformer des concepts en slogan. Et parfois, le doute s’immisce : vous pouvez nous rappeler pourquoi on est là ? Dur labeur que celui des designers sociaux, constamment dans l’ajustement des consignes à la dynamique du groupe. Non, on ne sait pas exactement à quel résultat on va arriver.

 

Le mur d’affiches et le groupe des participant·e·s luxembourgeois·e·s de l’Uni.LU et du Musée du Travail (MUAR) à Kayl. © Marie Maréchal

 

La suite

Et pourtant, on y arrive : un mur d’affiches, des pictos, des mots qui synthétisent visuellement les réflexions. Autant d’intentions adressées aux futurs visiteurs de l’exposition. Une feuille de route ? Pas encore vraiment. Toute cette matière générée en deux jours doit être digérée, et fera l’objet d’une publication dans les prochaines semaines, pour témoigner du processus de recherche et des expérimentations artistiques collectives. Le travail des étudiants d’histoire publique de l’Uni.Lu va suivre. Sur base des axes thématiques qui ont été dégagés, ils vont s’atteler à des recherches documentaires et livrer, à la fin du quadrimestre, une storymap, premier scénario de l’exposition. Affaire à suivre… Ouverture prévue à l’automne 2022, rendez-vous à Dortmund.

 

Noémie Drouguet

 

Découvrez la playlist collective :